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7 octobre : Lettre d’un père à son fils tombé au combat

Lettre à mon fils Binyamin

Binyamin, mon cher fils, cela fait longtemps que nous ne nous sommes pas parlés. Te souviens-tu, la dernière fois, c’était avant Souccot ? Je t’avais dit combien j’étais fier de toi parce que tu consacrais tout ton temps, corps et âme, à la protection de nos frères, le peuple d’Israël. Tu m’as répondu brièvement, comme à ton habitude : « Je sais ». Ce sont les derniers mots que j’ai entendus de ta part. Je ne pensais pas que ce serait les derniers, mais toi, tu le savais apparemment…

Ton ami m’a raconté que ce matin-là, après 12 heures d’embuscade, dès que le commandant t’a proposé de l’accompagner, tu as accepté immédiatement et tu as été le premier prêt. Tu es un héros. Vraiment, quel courage ! D’autres ont hésité, car ils savaient que la situation était compliquée, mais pas toi. Avant de partir pour Kfar Aza, tu lui as dit que tu n’avais pas peur pour toi, mais que tu craignais seulement de faire souffrir ta famille. Oh Binyamin ! Je dois reconnaître que tu avais raison, ta famille souffre énormément. J’ai l’impression que mon cœur est vide, qu’un trou béant s’y est creusé. C’est très dur, Binyamin.

Tu sais, le Rambam a écrit qu’en partant à la guerre, il faut se dire : « On se bat pour l’unité de D.ieu. Le soldat doit risquer sa vie sans éprouver ni crainte ni peur. Il ne doit penser ni à sa femme ni à ses enfants. Effacer leur souvenir de son cœur, se détourner de tout pour se concentrer sur sa mission. » J’imagine combien cela a dû être difficile pour toi. Nous étions si proches. Tu étais tellement attaché à tes sœurs et à tes petits frères. Maintenant, tu penses sûrement à nous et tu pries pour nous, comme je te l’ai demandé lors des funérailles. Désormais, tu peux intercéder et prier pour tout le peuple d’Israël, et en particulier pour ta famille. Tu as sacrifié ta vie, tu as sauté hors de ta cachette pour porter secours à un blessé…

Tu as le droit de demander, d’exiger, de prier pour que nous retrouvions la paix et que le peuple d’Israël vive dans la sérénité. Et même de demander la délivrance. Écoute, mon cher Binyamin, sais-tu ce que l’on dit de toi ? On t’appelle « le saint », car celui qui meurt pour la sanctification de D.ieu est appelé un saint. On ne dit plus Binyamin, le fils de Rav Nethanel, mais Rav Nethanel, le père de Binyamin le Saint. Que D.ieu venge ton sang.

Maman dit que tu as dépassé tout le monde dans la file et que tu es arrivé directement au plus haut dans le ciel, là où tu mérites d’être. N’est-il pas écrit que personne ne peut se tenir dans le ciel à la place réservée aux martyrs ? Non seulement, personne à part eux ne s’y trouve, mais personne ne pourrait s’y tenir ne serait-ce qu’un instant. Mais tu sais tout cela, j’en suis sûr.

Je voulais te dire que des milliers de personnes ont mis les téfilines pour toi. J’ai demandé, lors de tes funérailles, que 15 000 personnes mettent les téfilines, et alors que je t’écris, il y en a déjà eu 7200 (nous avons mis en place un site “charidy” où, au lieu de faire un don, on indique combien de personnes ont mis les téfilines pour toi). Encore une chose, certaines personnes viennent juste de commencer à mettre les téfilines, et si je te disais de qui il s’agit, tu ne me croirais pas. C’est un grand mérite, tu continues d’influencer ce monde.

En fin de compte, c’est vraiment difficile pour moi, pour ta mère, pour tous tes frères et sœurs, mais une chose nous réconforte : c’est une sanctification de D.ieu. Mais pas seulement cela, tu as agi en sachant que cela pouvait arriver et, de plus, tu as sauvé la vie de nombreux Juifs. Mais je l’avoue, tout ceci touche l’âme, mais ton corps nous manque, tu nous manques.

J’ai compris ce que l’on dit chaque jour dans la prière : « Ne lis pas “tes enfants”, mais “tes bâtisseurs” ». Avant, tu n’étais que mon fils, mais depuis ce jour, tu m’as aussi édifié. Tu nous pousses à être meilleurs, moi et toute la famille.

Une dernière chose, tout cela m’a fait réaliser que je ne te connaissais pas réellement. Nous avons entendu des dizaines d’histoires et de témoignages sur toi de la part de tes amis, de tes supérieurs à l’armée, et de tes Rabbanim. Nous avons compris que nous ignorions qui tu étais vraiment. Ils nous ont dit que tu n’étais jamais en colère, que tu ne te plaignais jamais, que tu cherchais toujours à aider les autres. Tu sais ce qui est drôle ? De nombreux jeunes venus pendant la Shiva (les 7 jours de deuil) nous ont dit être « le meilleur ami de Binyamin », tu comprends ?

L’un d’eux nous a raconté que tu savais écouter ceux qui se confiaient à toi. Un autre a dit que tu savais apaiser les autres, les aider, leur donner des conseils. Certains ont dit que tu aimais étudier ou simplement passer du temps à la synagogue. Un autre a évoqué ta détermination à trouver quelqu’un pour te réveiller pour l’office du matin. Nous avons également entendu de belles histoires sur les moments difficiles que tu as traversés pendant ta formation à l’armée, où tu encourageais et soutenais les autres. Tu entonnais des chants ‘habad, tu racontais des histoires hassidiques ou des enseignements du Rabbi.

Écoute, je suis fier de toi, et je me rends compte que je ne te connaissais pas aussi bien que je le pensais.

Tu sais quoi ? J’aimerais que tous les parents réalisent que, peut-être, ils ne connaissent pas vraiment leurs enfants. Quand ils rentrent de la yeshiva, ils se « lâchent » un peu et ne montrent pas ce qu’ils ressentent au fond d’eux-mêmes. Mon regard sur les enfants a désormais bien changé.

J’ai compris qu’en vérité, chaque enfant est une âme que D.ieu a choisie pour descendre dans ce monde auprès de parents particuliers. Chaque âme a un rôle à jouer. Comme me l’a dit le Rabbi de Sadigora, venu me réconforter le Chabbat des Shiva : « Qu’avez-vous fait pour mériter que D.ieu vous choisisse pour recevoir une âme qui a réalisé une telle sanctification de D.ieu et qui apporte plus d’unité à notre peuple ? ». Une âme possède profondeur et foi. Nous devons être convaincus que nos enfants ont des talents et des qualités. Notre vision de parents est parfois étroite, focalisée sur des choses négligeables et des détails sans importance.

J’ai réalisé à quel point j’aime mes enfants, à quel point ils sont si importants pour moi et combien je devais investir en eux sans limite, en leur racontant des histoires de tsadikim (justes) avant de dormir, et bien d’autres choses encore, que parfois je n’avais pas la force de faire. Je dois me renforcer dans ce domaine car c’est notre mission la plus importante.

Rav Nethanel Loeb

Binyamin Loeb est tombé au combat le 7 octobre à Kfar Aza.
Il est né à Aix-les-Bains et a partagé son enfance entre la France et Israël, au sein d’une famille profondément ancrée dans la tradition hassidique ‘Habad, son père étant Roch Kollel et l’un des rabbanim de ‘Habad à Yerres. Après son retour en Israël, Binyamin a étudié à la Yechiva de Tsfat avant de s’engager dans l’unité des parachutistes religieux, les Tsan’hanim ‘Haredim.
Le matin du 7 octobre, en mission, il s’est précipité pour secourir un soldat blessé et le mettre à l’abri, mais c’est à ce moment-là qu’il a été touché par deux balles tirées par un terroriste, avant de pouvoir rejoindre un centre médical.
Binyamin et un infirmier qui l’accompagnait ont échappé de peu à une tentative d’enlèvement par un terroriste de Gaza qui était déguisé en ambulancier et semblait inoffensif. Heureusement, grâce à la vigilance des soldats au point de controle en direction de Gaza, le véhicule a été stoppé et le terroriste arrêté.
Bien qu’il ne soit pas considéré comme un « ‘Hayal Boded » car il avait de la famille en Israël, une foule immense a assisté à ses funérailles, au point de provoquer la fermeture temporaire de la route 1 entre Jérusalem et Tel-Aviv.

La référence de la prière « Ne lis pas “tes enfants” (banayikh), mais “tes bâtisseurs” (bonayikh) » provient du Talmud dans le traité Berakhot 64a. Ce passage est souvent cité pour souligner l’importance de l’éducation et de la transmission des valeurs aux enfants, en les considérant comme les constructeurs de l’avenir spirituel et moral du peuple juif.

La citation originale en hébreu est :

« אל תקרא בניך אלא בוניך »

Elle signifie que l’investissement dans l’éducation des enfants les transforme en véritables bâtisseurs de la tradition et de la foi.

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